L’enquête ANRS VESPA2 permet de connaître le vécu des personnes séropositives en France. Si les résultats confirment de l’importance des progrès thérapeutiques, ils témoignent également de difficultés sociales et économiques qui persistent ou s’aggravent.
Le guide “Vie positive“ de Aides offre de nombreuses informations aux personnes séropositives.
Grâce aux traitements, le Sida est de plus en plus assimilé à une maladie chronique, même si l’infection s’accompagne de nombreuses comorbidités. Il reste cependant l’objet d’une attention particulière des autorités de santé. L’enquête VESPA 2 publiée dans le dernier Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) permet de mieux comprendre les conditions de vie de la population infectée par le VIH. Réalisée une première fois en 2003, l’enquête ANRS VESPA2 a été menée en 2011 en France métropolitaine et dans quatre départements d’Outre-Mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion) et à Saint-Martin. Ces enquêtes sont réalisées auprès d’échantillons représentatifs des personnes séropositives suivies à l’hôpital. Ces résultats sont importants pour pouvoir améliorer la prise en charge et les conditions de vie des personnes atteintes, et les messages de prévention.Une population qui vieillit et doit faire face à plus de comorbiditésLa prise en charge basée sur un traitement plus précoce est quasi-générale (de 83,2 % en 2003 à 93,3 % en 2011) et se traduit par une amélioration des paramètres biologiques du VIH : la grande majorité (88,8 %) ont une charge virale contrôlée au seuil de 50 copies/ml. Une tendance également observée dans les DOM, avec toutefois moins de patients ayant une charge virale contrôlée.Vis-à-vis de l’état de santé général, la population séropositive suivie à l’hôpital a vieilli (49 ans en 2011, contre 41 ans en 2003 en métropole) et le poids des comorbidités reste important : 16,4% ont été infectées par l’hépatite C, 17,1 % prennent un traitement antihypertenseur, 17,5 % un traitement hypolipémiant et 4,2 % un traitement hypoglycémiant.Le diagnostic tardif de l’infection reste un problème important aussi bien dans les DOM qu’en métropole : 55,3% des personnes nouvellement diagnostiquées entre 2003 et 2011 le sont à un stade tardif dans les DOM ; 48,6% en métropole. Des chiffres qui soulignent la nécessité de promouvoir le dépistage pour limiter le nombre de personnes séropositives ignorant leur statut, sans prise en charge et potentiellement vecteur de l’infection. Parmi les personnes nouvellement diagnostiquées depuis 2003, 36,4 % sont des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, 39,7 % des immigrés d’Afrique subsaharienne. Parmi les circonstances du diagnostic, si le dépistage volontaire est largement dominant chez ces deux groupes, il apparaît que 13,5 % des dépistages ont été effectués à l’insu de la personne. “Une donnée qu’il conviendra d’analyser plus en détail“ avoue Patrick Yeni dans l’éditorial du BEH.Une inégalité homme-femme en matière de préventionCôté comportement intime, l’activité sexuelle reste importante : 71% se déclarent sexuellement actives : 62,5% ont un partenaire principal, 32,5% au moins un partenaire occasionnel (au cours des 12 derniers mois). L’utilisation non-systématique du préservatif est significativement plus fréquente chez les femmes que chez les hommes, et plus fréquente dans les couples séroconcordants que dans les couples sérodiscordants. Cette inégalité des femmes et des hommes vis-à-vis de la prévention au sein des couples stables, déjà mise en évidence en 2003, semble persister en 2011. “Ceci pourrait témoigner de la difficulté qu’éprouvent les femmes séropositives à négocier l’utilisation du préservatif avec leurs partenaires, pourtant majoritairement séronégatifs et informés de leur séropositivité“ jugent les auteurs. La fréquence des rapports sexuels non protégés avec des partenaires occasionnels est de 12 % chez les femmes et les hommes hétérosexuels et de 18 % chez les homosexuels masculins.En 2011, avouer sa séropositivité reste difficile : 14% qui étaient déjà séropositives au début de la relation actuellement en cours ne l’ont jamais annoncé à leur partenaire principal (contre 5% chez celles qui ont appris leur séropositivité quand elles étaient déjà en couple), et 69% n’en ont pas informé leur dernier partenaire occasionnel (et jusqu’à respectivement 79% et 74% chez les hommes immigrés d’Afrique sub-saharienne et les hommes ayant des pratiques homosexuelles).Une situation sociale et économique très difficileLa situation sociale des personnes séropositives n’a pas significativement évolué entre 2003 et 2011. Le chômage est nettement plus élevé chez les personnes séropositives : seules 58,5 % travaillent et 13 % sont en recherche d’emploi. Témoin de ces problèmes économiques, presque un tiers (31,5 %) ne parviennent pas à faire face à leurs besoins sans s’endetter et une personne sur cinq rencontre des difficultés à se nourrir au quotidien par manque d’argent. Tous ces chiffres sont évidemment bien supérieurs à celui de la population générale.La population séropositive n’est cependant pas homogène de ce point de vue et certains groupes, notamment les malades des DOM, les femmes et les migrants d’Afrique sub-saharienne, sont dans des situations sociales et économiques particulièrement fragiles.L’étude souligne également qu’à cette détresse économique, s’ajoute une autre sociale. La maladie continue d’isoler : 40% des personnes séropositives vivent seules et jusqu’à 55% chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes. Et 8,6 % vivent seules avec des enfants. “C’est ce qui fait tout l’intérêt des associations de lutte contre le sida qui, à travers leurs activités, engagent toutes les catégories de personnes vivant avec le VIH dans la reconstruction de liens sociaux. Au cours des 12 mois précédant l’enquête, 13,5% des personnes ont participé à des activités associatives avec des taux particulièrement élevés parmi les immigrés et les usagers de drogue, catégories les plus démunies“ précise l’ANRS/Inserm dans un communiqué commun.Au-delà des progrès médicaux qui ont profité à tous les patients suivis à l’hôpital, la situation sociale des patients mise à jour par l’enquête ANRS VESPA2 témoigne donc d’un problème socio-économique propre à cette population, nourri par la crise économique et une discrimination encore tenace.David BêmeSource : BEH, édité par l’InVS, n° 26-27 du 2 juillet 2013 – Vivre avec le VIH : premiers résultats de l’enquête ANRS-VESPA2L’enquête ANRS VESPA2 a été menée en métropole dans 68 hôpitaux auprès de 3022 personnes séropositives incluses par 413 médecins ; dans les DOM, dans 7 hôpitaux, 35 médecins et 598 patients ont participé à l’étude.Photo : Aides